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Logement, prêt au logement et commerce électronique : enjeux et perspectives pour le marché français au regard de l'expérience américaine

ANIL, Habitat Actualité, décembre 2000
(Avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat)


Le développement du commerce électronique va-t-il modifier profondément l'organisation du marché du logement, bousculer certains professionnels, faire apparaître de nouveaux intervenants et, le cas échéant, affaiblir les dispositifs de protection du consommateur ? L'examen de l'expérience des Etats-Unis peut nous aider à identifier les évolutions en cours et les enjeux pour le marché français, à la condition toutefois de tenir compte de tout ce qui différencie leurs pratiques des nôtres.
La grande mobilité de la société américaine se reflète dans les caractéristiques de son marché du logement. La rotation des biens est très rapide et le recours à l'emprunt beaucoup plus fréquent qu'en France. Les transactions sont très largement contrôlées (84 %) par les agents immobiliers, qui forment une profession très organisée. Le marché de particulier à particulier, qui a légèrement augmenté, ne traite que 16 % de l'ensemble des ventes de logements anciens. Les agents, dont la palette d'intervention est très large, contrôlent l'essentiel de l'offre. Ils présentent en libre accès au public, sur leur site Internet, qui est l'un des plus visités du monde 1,4 millions de biens à vendre, décrits avec un grand luxe de détail. C'est un outil de recherche inégalé. Les normes de mise à jour que s'imposent les agents sont extrêmement rigoureuses. Pour conserver la maîtrise du marché, ce site s'enrichit continuellement d'informations et d'outils jusqu'alors à l'usage réservé des seuls agents immobiliers, comme par exemple l'évaluation automatique des biens. Le recours à l'agent se justifie surtout par les services qu'il apporte et sa rémunération s'apparente à une facturation à la carte.
Leur choix stratégique, en matière de e-commerce, repose depuis l'origine sur la conviction que ce qu'ils ne feraient pas eux-mêmes serait fait par d'autres, qui risqueraient alors de les supplanter.
De la sorte, tout en améliorant grandement la transparence du marché, et ce au bénéfice du consommateur, ils ont réussi à le maintenir sous leur contrôle.
Tel ne devrait pas être le cas de tous les intervenants de la filière de prêts hypothécaires, courtiers, prêteurs primaires, experts divers etc : certains risquent d'être marginalisés, voire contournés. De fait, toutes les conditions d'une instruction en ligne sont réunies. En effet, les normes d'étude des demandes de prêts au logement sont extrêmement standardisées, comme le sont les prêts eux-mêmes.
Les agences de titrisation, qui dans de nombreux cas portent le risque et qui ne sont jamais en contact avec l'emprunteur, s'appuient sur les prêteurs primaires pour instruire et accorder les prêts. Or les informations nécessaires à cette instruction, valeur des biens et données sur la personne, sont de plus en plus accessibles en ligne, marginalisant ainsi le rôle des prêteurs primaires et le rapprochant de celui des courtiers.
Les agents immobilier cherchent maintenant, grâce aux plates-formes dites " business to business, B2B ", à se placer, en association avec d'autres partenaires, au centre de la transaction et à devenir l'unique interlocuteur physiquement en contact avec le client pour tout ce qui concerne son logement. Il s'agit de mettre à la disposition des agents et de leurs partenaires une plate-forme pour commander les services, coordonner les processus de décision, échanger les données et les documents, gérer les différents actes liés à l'achat d'un logement. C'est tout le processus d'achat d'un logement, du contact avec l'agent immobilier jusqu'à la vente de la créance hypothécaire sur le marché financier par l'agence de titrisation, qui peut être fluidifié et accéléré. Les 140 documents produits à l'occasion d'une accession pourront être établis à partir de la saisie d'un formulaire unique. Ce système doit aboutir à réduire les délais et les coûts et à faire en sorte que les clients soient tenus au courant en temps réel de l'état d'avancement de leur opération. Cette évolution n'est pas dépendante de la progression du nombre d'internautes.

Les perspectives françaises diffèrent profondément puisque ce sont les agents immobiliers qui risquent d'être les plus bousculés par Internet, alors que les spécificités du marché du crédit mettent les prêteurs à l'abri des bouleversements.

Les agents immobiliers français, qui n'interviennent que dans 40 % des transactions, ont une longue expérience des difficultés de la mise en commun de fichiers, notamment par minitel, mais le développement de leur site, pourtant le plus visité et le premier en nombre d'offres, est handicapé par la faible proportion des mandats exclusifs qui interdit de donner une information détaillée, à commencer par l'adresse des biens. En outre, les règles de transmission et d'actualisation des informations devront être beaucoup plus rigoureuses pour que le client soit assuré de trouver sur le site des offres à jour. Cette rigueur, les différents réseaux d'agences peuvent l'imposer à leurs membres plus aisément, mais aucun d'entre eux ne représente une part suffisante du marché pour que son site fasse référence. Seul le site fédéral de la FNAIM peut y parvenir.
Le site du journal " Particulier à Particulier " semble, en revanche, particulièrement bien placé pour tirer parti du commerce électronique et ce d'autant plus qu'il offre des services, comme l'évaluation en ligne, que d'autres, comme les notaires pourraient aisément offrir, mais qu'ils conservent pour leur seul usage.
A mesure que l'opacité du marché diminuera, le recours aux agents immobiliers sera de moins en moins justifié par la seule mise en contact de l'acheteur et du vendeur ; ils devront alors orienter plus nettement leurs activités vers le service, mais ils sont limités en cela par l'existence du notaire, qui occupe le champ de la sécurité juridique, et surtout entravés par le cadre de la loi HOGUET qui leur interdit de faire varier leur rémunération selon le service rendu.
En revanche, tant que le prêt au logement restera, ce qui est une spécificité française, un produit d'appel ou de fidélisation pour les banques généralistes, il semble qu'il n'offrira guère d'opportunités à des intervenants supplémentaires, e-courtiers, qui viendraient prélever leur dîme sur une marge déjà beaucoup plus mince que dans tous les pays voisins, ou prêteurs étrangers évitant grâce à Internet le coût d'un réseau commercial traditionnel. De surcroît, le tour individuel que prend la négociation des conditions de chaque prêt montre qu'il y a peu d'économies à réaliser sur l'instruction des dossiers.
Le cadre juridique doit être adapté à la nouvelle donne, mais aucune menace particulière ne semble peser sur la protection du consommateur ; celui-ci, au contraire, a tout à gagner à une transparence accrue et à une meilleure fluidité du marché.
L'ANIL et les ADIL n'ont pas attendu pour mettre à profit les potentialités d'Internet, tant dans leur fonctionnement interne qu'en direction du public. Le réseau veut que son site constitue une référence dans le domaine du logement ; il s'agit de renforcer l'efficacité de l'information préventive qu'il dispense. Cela représente un défi, car l'abondance de l'information a pour corollaire un appauvrissement de l'attention, mais c'est surtout une opportunité formidable d'accroître l'efficacité du réseau, sa réactivité, l'impact de son action sur le fonctionnement du marché et le nombre de ménages qui en bénéficient.

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